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Jacques, un nom de frère, une coupe de moine et une musique profane. Difficile de dresser le portrait classique de cet artiste qui s’est déjà « retiré » du milieu la musique.
Retour sur une carrière aussi fulgurante qu’improbable, aussi jouissive que rafraichissante.
Alors on pourra se contenter d’une page Wikipédia relativement pauvre : on y apprend son nom de famille, sa date de naissance, le métier de ses parents, le nom de son premier groupe de rock… Rien qui ne puisse faire toucher de près ou de loin « qui est Jacques ».
Cela faisait une petite heure que Polo and Pan étaient sur scène. Il pleuvait des cordes, le sol devant la scène n’était qu’une vaste flaque de boue. Franz Ferdinand allait débuter sur l’autre scène, puis ont commencé les notes du morceau Jacquadi, et il est apparu sur scène aux cotés des deux DJ.
La première fois que j’avais vu sa coupe de cheveux improbable, dont il ne rase pas le dessus mais laisse pousser les cotés, c’était sur les vidéos du Centre National de Recherche du Vortex (CNRV) sur YouTube. On pouvait y voir Jacques, en blouse blanche, nous expliquer ses recherches et travaux sur les « vortex », le tout dans une ambiance qui n’a rien à envier aux clips de Salut C’est Cool. Pas de musique ici donc, mais déjà les bases de « qui est Jacques » : un personnage décalé, mais terriblement en accord avec le monde qui l’entoure, toujours à travers le prisme qu’il veut bien nous faire partager. Dans sa quête de détachement du regard des autres, il sera boulimique des sons du quotidien.
Jacques n’est pas un artiste sublime et absolu, bien au contraire : il cultive cette nonchalance qui lui est propre, préférant se concentrer sur ce qui est anodin, pour mieux en faire ressortir le caractère unique. Car c’est ça la musique de Jacques : du bruit harmonique, créant instantanément une proximité avec les bruits que tout le monde aura entendu au moins une fois, mais également une surprise par le rythme et la mélodie qui en ressortent. Jacques, en véritable chef d’orchestre improvisant chacune de ses musiques sur scène, réussi l’exploit de surprendre tout en faisant comprendre qu’il est constant renouvellement.
Sur scène s’ajoutent aux claviers et aux instruments habituels une batterie d’objets uniques du quotidien : des verres de différentes formes et tailles, une table à repasser, des instruments de cuisine, des jouets, de la vaisselle… Chacun a été sélectionné, choisi pour son histoire qui aura marqué sa structure, rendant son chant unique. Jamais une telle démarche n’avait été entreprise avec autant de réussite dans la musique électronique, et Jacques réussi à mettre une claque de fraicheur à chaque improvisation.
Et puis un peu avant le nouvel an 2017, le drame. Jacques publie un long message sur son Facebook expliquant qu’il s’est fait cambrioler. Tout a disparu, alors Jacques s’est dit que tout devait disparaitre. « Je suis pas con, j’ai des backups ».
Ne reste de lui que quelques EP, deux albums puis un troisième, énorme, composé de captations réalisées lors de ses concerts à travers le monde. Depuis, silence radio. Ou presque. C’était bien la dernière fois, qu’on entendait sa voix, dans la radio. Jusqu’à la prochaine fois.
Jacques est mort, vive Jacques.
Écrit par: Stéfån Rigal